à suivre...
"Psychologie et Éducation", n°47, décembre 2001 Le
21 Mars 2001, le gouvernement a publié un "Plan
d'action pour les enfants atteints d'un trouble spécifique du langage"
. La
tendance générale actuelle ( dans les médias en particulier,
mais qui ne font que reprendre les positions dominantes du courant de
recherche des sciences cognitives ) est en faveur de l'approche fonctionnaliste
et neuropsychologique. Jacques Fijalkow rappelle que la majorité des mauvais lecteurs sont de milieux socialement défavorisés et ajoute qu'en privilégiant les déterminants médicaux, qui ne concerne qu'une faible partie de la population des étiquetés "dyslexiques", le plan d'action gouvernemental risque de concentrer << un maximum de moyens sur un minimum d'enfants...des classes moyennes...en se désintéressant de ceux qui sont déjà défavorisés par leur naissance.>> Monique Plaza ( chargée de recherche au CNRS ) mentionne une enquête de dépistage qu'elle a menée et qui tend à montrer que si les conditions socio-culturelles et les méthodes pédagogiques ne sont pas des "causes" de dyslexie, elles sont cependant des éléments qui peuvent contribuer au "mauvais départ" dans la lecture. Ce
"mauvais départ", explique Gérard Chauveau
( chargé de recherche CRESA/INRP ), ne se fait pas au Cours
Préparatoire mais bien avant et dès l'âge de trois
ans environ, moment où << les enfants commencent à
mettre en place des comportements et des pratiques de "lecteur"
et de "scripteur".>> Après
avoir rappelé que les troubles du langage oral ( retard de langage
et surtout dysphasies de développement ) précèdent
dans une grande
majorité de cas les troubles du langage écrit, le Dr.
Catherine Billard ( Unité de rééducation neuropédiatrique
de l'Hôpital Bicêtre ) expose les trois stades de l'acquisition
de la lecture selon le modèle de Frith: Claire
Meljac, Marie Kugler et Évelyne Lenoble résument
quant à elles les recherches de l'Hôpital Sainte-Anne sur
les dyslexies spécifiques ( c'est-à-dire non secondaires
à une pathologie telle par exemple qu'un retard mental, une surdité
ou des troubles psychopathologiques...). Ce numéro a le grand mérite de souligner que les troubles du langage écrit n'ont pas d'explication univoque et se voudrait, selon les termes de Michel Monville dans son introduction, << un tremplin pour d'autres contributions émanant notamment des collègues sollicités et impliqués à l'École par ce sujet.>> Concernant
la dyslexie et définitions d'autres termes en "dys...",
voir site de J.Nimier: A
consulter également:"Du
bon usage de la <<dyslexie>>", de Daniel Calin; et le << commentaire, pas à pas, du rapport Ringard >> sur la dyslexie, par André Inizan La question de l'échec scolaire. Évolution des idées. "Psychologie et Éducation", n°46, septembre 2001 Après avoir rappelé que les deux tiers d'une génération n'accédaient pas en classe de sixième au début des années cinquante alors qu'actuellement la quasi totalité des enfants du primaire entrent au collège, les auteurs exposent les trois grands types de théories explicatives de l'échec et de l'inadaptation scolaires:
Ils insistent sur la
séparation qu'il convient de faire entre d'une part l'inadaptation
ou le handicap qui concernent la totalité de l'individu en société,
et d'autre part la difficulté d'apprentissage dans le champ scolaire. Il faut, disent les auteurs, "revisiter" et la notion d'intelligence comme facteur principal de la réussite ou de l'échec, et la vision univoque des causes de l'échec scolaire, pour passer à l'exercice d'une pensée complexe. Rousvoal et Zapata considèrent
que la notion d'échec scolaire repose sur l'idéologie de
l'égalité des chances, ce qui leur fait poser trois questions: ( Jacques Rousvoal est Professeur et Directeur du Centre Universitaire de Formation des Enseignants et Formateurs, à l'Université de Haute Alsace-Mulhouse; Antoine Zapata est Maître de conférences. ) _________
Echec et Maths ( Ed. du Seuil , 1973 ) Ecrit avec
talent et humour, ce livre inaugurait une série d'ouvrages que
S.Baruk a consacré à l'enseignement des mathématiques
: " Fabrice ou l'école des mathématiques ", "
L'âge du capitaine ", " Dictionnaire de mathématiques
élémentaires ", " C'est-à-dire ",
" Comptes pour petits et grands ", " Double jeux "
(collectif). L'enfant,
disait Dienes, apprend par l'expérience, en manipulant les objets,
et il faut l'inciter à faire, défaire, refaire, pour qu'il
découvre la notion, et ne juxtaposer le mot qu'ensuite. Et ce sont
exercices de jetons, de réglettes, de mises en tas et de mises
ensemble de ce qui est pareil ou pas pareil. S.Baruk condamnait dans cet ouvrage l'engrenage qui allait de l'échec en mathématiques aux tests et au diagnostic, et de ce dernier à la rééducation où ceux qui n'ont pas la bosse des maths manipuleront des choses alors que " ni la pâte à modeler, ni les jetons, ni les récipients ne sont des objets mathématiques, donc se prêtant à une réflexion logique ". Les spécialistes de l'enseignement ou de la rééducation des mathématiques pourront dire si ces critiques d'il y a bientôt trente ans sont encore ou non d'actualité, après les mises en questions des théories piagétiennes sur le primat de l'action ( citons entre autres celles de P.Oléron et de R.Lécuyer ) et les travaux sur ce qu'on appelle aujourd'hui la " remédiation cognitive "…Que les mathématiques soient d'abord un travail sur la langue et le sens ne me semble pas encore toutefois une approche des plus répandues. Sur
"Imaginaire et mathématiques", voir site de J.Nimier: _________
Intelligence, scolarité et réussite Textes réunis par G. Blanchet, J.Raffier, R.Voyazopoulos Editions La pensée sauvage, 1995 Préfacé par Gaston Mialaret,
ce livre réunit quinze communications présentées au congrès de l’Association
Française des Psychologues scolaires en octobre 1993. Leur diversité ne
permettant guère d’en faire une synthèse, je soulignerai seulement quelques
points forts. Concernant la question de l’hérédité
de l’intelligence, Pierre Roubertoux dénonce la confusion entretenue
par certains ( on pourrait penser aux thèses de Herrnestein et Murray
dans « La courbe en cloche » ) entre hérédité et héritabilité.
Cette dernière ( caractéristique d’un trait dans une population donnée
) dépend, pour l’intelligence, et de la structure génétique de cette population
et de son histoire sociale. Du point de vue sociologique, Eric
Plaisance rappelle quelques grandes enquêtes qui ont mis en relief
« la co-variation du quotient intellectuel et de la hiérarchie sociale »,
ainsi que le passage d’une idéologie du don et des aptitudes naturelles
à une idéologie du handicap socio-culturel, laquelle fut parfois aussi
fixiste que la précédente. Il remarque que les recherches récentes sur
l’échec et la réussite scolaires se centrent sur « des niveaux de
réalité plus localisés, insistant sur la place qu’y occupent les acteurs
sociaux et leurs logiques propres ». En analysant les catégories d’erreurs
( M.Fayol ), les stratégies cognitives et les blocages dans la
résolution de problèmes ( J.F.Richard, M.Zamani ), le contexte
social d’acquisition et de production scolaires ( J.M.Monteil ),
les différences de cheminement dans les apprentissages – du langage et
de la lecture, par exemple – (J.Lautrey), les travaux de psychologie
cognitive invitent à prendre en compte l’histoire personnelle du sujet
qui apprend, sa perception de l’objet à traiter, les processus mentaux
qu’il utilise, car la plupart du temps, comme le disent Richard et
Zamani, « les comportements des sujets sont cohérents, même quand
ils apparaissent chaotiques ». C’est ce qu’affirme depuis longtemps
Stella Baruk qui repose ici encore « la question du sens en
mathématiques ». Construire du sens, rendre intelligible, à partir
de la parole et de la langue, est-ce dissociable de ce que l’on appelle
intelligence humaine ? « Intelligere », précise
Daniel Sibony, c’est « interligere » :
« lire entre » ou « lier entre ». L’intelligence implique
de pouvoir intégrer l’autre, l’interlocuteur, « l’Autre lieu :
là où il faut aller, mentalement, pour voir d’un point de vue excentré
le lieu où l’on était ». Travail de liaison et de dé-liaison. Si
ce travail a souvent du mal à se faire, comme l’atteste la persistance
des échecs scolaires, est-ce, comme le pense Roger Perron, parce
que l’enfant est parlé, oublié dans sa subjectivité, la difficulté scolaire
devenant alors « modulation de la personne même », résistant
à ce qui l’attaque, voire s’en renforçant ? De la lecture de cet ouvrage, en tout cas, on retirera l’idée qu’entre intelligences, scolarité et réussites les rapports ne sont pas simples. ________
Processus cognitifs et psychoses infantiles Revue de "Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence". Mars 2002, Vol.50, n°2
Le
bébé apprend en faisant des liens entre les évènements
qui se succèdent, en associant des représentations, mais
en s'appuyant sur la pensée d'autrui. Le
processus psychotisant empêche de lier ou délie les représentations,
les moyens corporels restant alors la solution pour garder contact avec
l'objet (celui-ci n'ayant pu être intériorisé, mentalisé,
n'ayant pu devenir objet interne stable). La déficience mentale ou les difficultés cognitives qui accompagnent souvent la psychose infantile résultent, selon l'auteur, de l'impact des angoisses archaïques et de l'épuisement de l'énergie psychique utilisée pour les combattre. Ce modèle global étant posé,
Pierre Delion résume les principales stratégies thérapeutiques
à mettre en place: Mais, si ces espaces doivent être séparés,
thérapeutes et pédagogues doivent par contre échanger
afin que l'enfant sente << une continuité d'être
tout en expérimentant une discontinuité des espaces d'accueil
>>. Les parents doivent être étroitement associés et des réunions de familles, voire de fratries, peuvent les aider à mieux affronter les difficultés de leurs enfants. Concernant les positions de Pierre Delion
sur la psychose, on peut également lire mes notes de lectures: ________
Séminaire sur l'autisme et la psychose infantile ( Ed. Erès, 1997 )
Concernant la question de la psychose, Delion nourrit sa réflexion de multiples références théoriques ( Winnicott, Bowlby, Szondi, Schotte, Schilder, Bick, Segal, M.Klein, Lacan, Dolto, Houzel et d'autres ) et distingue fondamentalement dans la structuration de l'enfant " objet d'arrière-plan " et " objets partiels ". Du côté
de l'objet d'arrière-plan, se situerait notamment le rythme (autrement
dit les appuis auditifs et vibratoires) et le contact, le fait pour le
bébé d'être porté, soutenu, contenu. Cette distinction permet à Delion de faire l'hypothèse de deux types de forclusion précoce :
Il s'agirait
là de deux forclusions archaïques qui porteraient sur un lien
symbolique primaire, sur un signifiant primordial, c'est-à-dire
sur l'inscription d'une opposition distinctive entre des sensations articulées
par le langage parental. Dans l'ensemble
de l'existant, du Monde, de ce qui l'entoure ou l'habite, l'enfant ( grâce
à la parole de l'adulte, au langage, au sens que cet adulte donne
aux évènements et aux sensations que cet enfant éprouve
) découpe une partie qui prend signification, qui est symbolisée.
Il effectue une opération d'affirmation d' " ex-istence ".
Pour ce qui
est de la forclusion du regard, je me demande si elle ne concernerait
pas (plutôt que "l'interpénétration" ) la
relation tierce qu'il introduit quand celui de l'adulte fait un va-et-vient
entre l'enfant et un objet tiers, ainsi désigné du regard
; comportement qui amène le nourrisson vers ce qui a été
appelé " attention focale partagée " et qui anticipe
le futur comportement du " pointer du doigt ". Après
cette courte réflexion, revenons aux propos de Delion sur le travail
institutionnel avec les enfants autistes et psychotiques. Le sujet psychotique établissant une constellation transférentielle par rapport à des objets partiels, il y a nécessité, dit Delion, de " travailler en équipe les différents aspects de la relation du patient avec les membres de l'équipe… " L'ouvrage
de Delion est particulièrement intéressant pour les essais
d'articulations entre diverses approches, la distinction des deux types
de forclusion archaïque, la notion de fonction sémaphorique. ___________
Si on me touche, je n’existe plus Editions Robert Laffont, Paris, 1992 Dans le dernier chapitre de ce livre, avant l’épilogue, D.Williams semble adhérer, mais avec quelques conditionnels toutefois, à l’idée que l’autisme est le résultat d’une hypersensibilité affective et d’une possible incapacité (d’origine organique) de percevoir les messages qui impliquent la relation mère-enfant. Mais elle ajoute, sans éluder le paradoxe de sa formulation, que c’est l’indifférence et l’aversion de sa mère à son égard qui lui ont permis de développer son intelligence et sa capacité de communiquer. Du Bettelheim à l’envers, en quelque sorte. Ce qui m’a particulièrement frappé dans ce témoignage (qui, comme tout témoignage, est une reconstruction) c’est qu’il exprime dans sa totalité la mise en place d’un système défensif contre un entourage vécu comme dangereux, mais qu’en marge (dans le dernier chapitre et dans les commentaires des photos d’elle-même enfant) D.Williams prenne alors une sorte de position « médicale » sur l’autisme. Elle
précise cependant que « l’étiquette
en soi est inutile » mais qu’elle l’aidait à se déculpabiliser
et à ne pas mettre la responsabilité de son état sur le dos de sa famille. Ses propos à l’égard de sa mère sont pourtant extrêmement sévères : « aussi dure que j’étais douce… » ; « Tu as été ma poupée et j’étais en droit de la casser, me répétait-elle continuellement » ; « elle m’appela désormais Marion, du nom de sa sœur, et, comme si cela pouvait mieux aiguiser sa haine, elle déforma ce dernier surnom en Maggots, ce qui signifie asticot ». Elle décrit un épisode, à l’âge de trois ans, où sa mère lui aurait introduit de force dans la bouche un torchon et sa sensation d’étouffement au moment où elle s’était mise à vomir dessus. Que cette mère ait été ou non telle qu’elle le dit n’est certes pas sans importance mais ne peut être bien entendu retenu comme la clef de sa symptomatologie, sauf à prendre le risque d’une abusive simplification. Ce qui par contre me semble essentiel est le fait que tout son récit soit la description d’un monde qu’elle se construit pour se protéger. Il
lui faut repousser les contacts physiques et les marques de gentillesse
ou d’affection qu’elle perçoit comme intrusions. Ces contacts sont un
risque de perdre toute différence avec autrui. Elle se regarde durant
des heures dans la glace en chuchotant son nom, n’enlève jamais son manteau,
devient agoraphobe…Sa hantise était de perdre le sentiment de sa propre
existence, le contrôle d’elle-même… Regarder dans les yeux était trop
éprouvant… On
soulignera qu’il n’y a pour elle « personne nulle part » (titre
original de l’ouvrage) et que les rêves décrits après la mort de son grand-père
traduisent particulièrement ce sentiment de solitude et celui d’engloutissement.
Dans un paysage dénudé, l’océan vient la submerger. Entourée d’un grand
mur, elle essaie de suivre son grand-père qui la quitte mais elle appelle
en vain et sa mère veut la maintenir à l’intérieur. Ce départ d’une figure
paternelle est ressenti comme catastrophique. Dans
l’épilogue, D.Williams donne sens à ses comportements autistiques et le
clinicien pourra comparer à ce que psychanalystes ou phénoménologues ont
avancé : les stéréotypies comme procurant un sentiment de continuité;
le balancement d’un pied sur l’autre d’avant en arrière pour ne pas tomber
dans le trou noir; s’hypnotiser sur des objets brillants afin de se calmer;
éteindre et allumer la lumière pour rendre les choses prévisibles et rassurantes;
se blesser soi-même pour vérifier si quelqu’un est bien réel… Donna Williams écrivant son livre et parlant de son autisme est-elle cependant encore autiste ? Et de quel autisme fut-elle affectée ? Ce vécu autistique raconté, parlé, transmis, signifié, peut-on l’identifier à celui de l’autiste sans langage et qui apparaît hors symbolique ? J’aurais pour ma part tendance à penser qu’il y a entre les deux un monde, ou plutôt « du monde », c'est-à-dire de l'Autre, ce qui rend très problématique le qualificatif. ______________ Revue de Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, septembre 2000, Vol.48, n°6 (Editions Elsevier) Ce qui change, dit J.Hochmann, ce sont les mentalités, notamment celles des parents et des professionnels, dans le sens d’une meilleure compréhension réciproque. Je
crains toutefois pour ma part, à entendre les raccourcis et les amalgames
que font les grands médias, que le public ne se fasse de l’autisme une
représentation simpliste. C’est pourquoi je cite ce numéro de la revue
de Neuropsychiatrie, qui inciterait à parler, comme depuis longtemps je
le pense, d’autismes au pluriel car, comme le précise Hochmann, on s’oriente
actuellement vers la « notion de voie finale commune ou de
mode de réaction global ayant, une fois constitué, sa propre dynamique
processuelle mais relevant d’étiologies complexes, multiples et interactives. » Dans
la perspective précisément de prendre en compte la complexité des causes,
la diversité des structures et de suspendre le préjugé évolutif, A.Carel
propose l’expression « évitement relationnel du nourrisson »
pour qualifier un ensemble symptomatique que certains auraient tôt fait
d’appeler autisme ou pré-autisme alors qu’il peut évoluer vers des structures
psychiques extrêmement diverses. Dans
ce même numéro : M.
Botbol et H. Delorme font une synthèse des plans
régionaux sur l’autisme. R.Misès
apporte des précisions nosographiques sur sa notion de dysharmonie psychotique
et les frontières entre celle-ci et d’autres psychopathologies. J.Constant
expose l’utilisation à Chartres, en hôpital de jour, de l’approche « comportementale »
Teach en association avec une compréhension psychodynamique de cette pratique. R.
Pry et A. Guillain, à partir d’une étude de
193 enfants autistes de moins de sept ans, ont différencié trois groupes
très contrastés quant aux scores développementaux et aux fonctionnements
psychologiques. D.
Houzel présente les perspectives anglaises de
psychothérapie psychanalytique de l’autisme infantile ainsi que la sienne
propre, après avoir souligné « l’erreur étiologique » ( de Bettelheim
et d’autres ) qui fut « le fait d’ériger en étiologie ce qui n’est
que données d’observation ». La psychanalyse, ajoute-t-il, « ne
nous renseigne pas sur les causes des syndromes psychopathologiques, elle
nous indique le sens latent qu’ils peuvent avoir. » B.
Golse, G. Haag, A. Bullinger, établissent quelques
convergences entre approches cognitive et psychanalytique. Enfin G. Haag rappelle les apports post-Kleiniens et ses propres travaux. Au total un numéro qui, comme d’autres articles de la même revue consacrés aux problèmes des autismes, essaie d’en présenter la complexité et d’établir des ponts entre des perspectives qui souvent s’opposent. ______________ « Le rôle du stress dans l’autisme : un modèle intégré clinico-biologique » Revue « Mouv Ance » n° 40, décembre 1995. A.N.C.E. 145 Boulevard de Magenta - 75010 – Paris Voilà
un article assez court qui avait à mon sens le mérite de tenter d’articuler
certaines données biologiques dans l’autisme - comme la corrélation entre
la sévérité des troubles et les taux élevés des hormones de stress, ou
certaines anomalies des fonctions cérébelleuses – avec les constats cliniques
(angoisses primitives, de chute et de perte d’équilibre notamment ;
comportements autistiques : stéréotypies, automutilations…). Tordjman
proposait là un modèle interactif, sans causalité linéaire, où des causes
multifactorielles ( organiques ou/et déprivation sensorielle ou/et troubles
précoces des interactions sociales ) pourraient provoquer un dysfonctionnement
dans le traitement des signaux environnementaux et générer, en conséquence,
des angoisses primitives portant sur les représentations spatiales et
l’image du corps. Angoisses que les diverses conduites autistiques auraient
pour fonction d’essayer de réduire mais qui, en même temps, renforceraient
le dysfonctionnement ( par
saturation d’un canal sensoriel, par exemple ), aboutissant à un système
auto-entretenu. L’auteur soulignait deux points qui me semblent fondamentaux. D’abord l’importance des interactions visuelles dans les premières relations adulte-nourrisson et l’impact de leurs perturbations, faisant part à ce propos d’un taux élevé de syndrome autistique retrouvé dans les cécités congénitales. La difficulté, ensuite, d’interpréter les résultats neuro-biologiques. Par exemple, les anomalies cérébelleuses, qui sont d’ailleurs susceptibles de se modifier au cours du développement, sont-elles cause ou résultante de facteurs environnementaux ou/et biologiques ? ___________
Le
travail d'équipe en institution ( Dunod, 1999 )
Le sous-titre me semble mieux correspondre au contenu de l'ouvrage que le titre lui-même, à moins d'entendre dans "travail d'équipe" ce qui travaille une équipe à son insu, ce qui la dynamise, la met en crise ou la sclérose. Le
concept maître, en l'occurence, est sans doute celui d'"organisateur
psychique inconscient" que l'on doit à D.Anzieu et R.Kaës.
Il s'agit d'une formation inconsciente ( imago ou fantasme ), commune
à la majorité des membres, qui organise le travail institutionnel. L'infantilisation
non seulement de l'"usager" (même si celui-ci est un adulte)
mais aussi des parents est un mécanisme courant. Un
chapitre est consacré à "la violence et l'institution".
Face à des comportements violents de la part des personnes accueillies,
les travailleurs sociaux ou les soignants peuvent devenir entièrement
occupés par l'autoconservation et ne plus parvenir à effectuer
leurs tâches d'aide, d'éducation ou de soin. Les réglementations
défensives peuvent alors proliférer. L'institution
est aussi le lieu de différences et de discordances: tensions
entre unité et morcellement, différenciation entre catégories
de personnels, entre professionnels et usagers... Pour
ce qui est de l'intervention des "psys", P.Fustier distingue
trois modalités: le groupe clinique; la mise en élaboration
du projet institutionnel; le travail sur ce qui est "subjectivé",
projeté. Mais il souligne également les risques de l'interprétation
qui peut être vécue comme une intrusion.
_______
Le principe d'humanité (Seuil,2001)
Après l'entreprise nazie de déshumanisation - au cours de laquelle des millers d'hommes, de femmes et d'enfants furent réduits, selon les termes de Primo Levi, à l'état de boue, de bétail et d'ordure, entassés dans des wagons, numérotés,marqués, utilisés comme cobayes, gazés et enfin exploités comme matière première une fois morts - le code de Nuremberg reformula l'exigence de la dignité humaine en fixant des limites à l'expérimentation sur l'homme. Ce "principe d'humanité" - selon lequel toute personne, même diminuée à l'extrême, inconsciente ou moribonde, reste membre de la communauté humaine et doit être respectée en tant que telle - ce principe, affirme l'auteur, est actuellement attaqué par l'intrication des trois révolutions que sont celles de l'économie globale, de l'informatique et de la génétique. Plusieurs discours contemporains tendent à réduire l'humain à l'animal, à la machine, à la chose, à ses organes:
Parallèlement une nouvelle biopsychiatrie veut réduire les troubles mentaux à de purs dysfonctionnements neurochimiques et relèguer aux archives les questions du sens, de l'inconscient et de l'ordre symbolique. J.C.Guillebaud rapproche ce scientisme de celui du 19ème siècle et du début du 20ème, rappelant combien de scientifiques et de prix Nobel furent avant guerre proches des thèses eugénistes. Remaquillé, cet eugénisme revient, certains Etats (Chine, Japon, Inde, Arabie Saoudite, et d'autres) ayant pris certaines dispositions dans ce sens: interdiction de certains mariages, avortements sélectifs, stérilisations...Et Guillebaud de rappeler le débat en France entre l'essayiste Pierre-Henri Taguieff qui plaide pour un projet d'amélioration génétique de l'homme et un eugénisme "démocratique", et le biologiste Jacques Testart qui prévient des dangers et dérives d'une telle position. J.C.Guillebaud ne critique
pas les sciences mais un discours technoscientifique dominant qui a toutes
les apparences d'une idéologie. Car ce qui définit
l'humain n'est-il pas l'instauration de limites fondamentales ? Cette humanité, dit Guillebaud, "n'est ni un constat vérifiable, ni le résultat d'une recherche, ni un héritage: c'est un projet" et, citant Cornélius Castoriadis: "une société montre son degré de civilisation dans sa capacité à se fixer des limites". __________
" L'infantile : une perfection critique… "
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Jeu
des places de la mère et de l’enfant . Essai sur le
transitivisme. ( Erès, 1998 ). La notion de « transitivisme » pourrait a priori évoquer une relation duelle, imaginaire, une relation où, comme l’avait dit Wallon, les personnalités paraissent interchangeables. L’enfant qui voit son compagnon se donner un coup se met à pleurer et « souffre » à sa place. J. de Ajuriaguerra avait parlé de « troubles de la distinction du soi ». Soulignant que les approches successives
de cette notion réduisent les phénomènes observés à la seule bipolarité,
Balbo et Bergès considèrent au contraire le transitivisme comme situation
à trois termes parce qu’inscrit dans le registre du discours. Parce qu’elle sait que son enfant ne peut formuler ses besoins et qu’elle suppose chez lui un savoir, la mère lui adresse son propre affect au moment où elle le voit en danger, au moment où elle croit qu’il a souffert : « attention, tu vas te faire mal ! », « tu t’es fait mal !? ». La voix de la mère transfère un affect, son discours introduit le corps de l’enfant dans un corps de langage. Elle effectue un « forçage » puisqu’elle le contraint à éprouver ce qu’elle a supposé qu’il éprouvait. C’est à ce discours maternel que l’enfant s’identifie et c’est ce discours qui lui fait découvrir son corps, qui lui donne savoir sur son propre corps. L’affect de la mère est essentiel. Grâce à cet affect, écrivent Balbo et Bergès, la mère « peut faire passer dans son discours de quoi faire découvrir le corps à son enfant. Ce à quoi ferait obstacle un discours froid. » Devant telle ou telle conduite de son enfant, l’affect surgit chez elle et la pousse à le communiquer à l’enfant en le lui attribuant. Par ce jugement d’attribution le corps de l’enfant est placé dans le champ symbolique du langage. Quand, ultérieurement, l’enfant dira
« aïe ! » en voyant son semblable se cogner, et alors même
que celui-ci n’a pas crié, c’est la place transitiviste de sa mère qu’il
tiendra. Ce « aïe ! » proféré par celui qui n’a reçu aucune
atteinte physique est, disent les auteurs, « création d’un signifiant
accolé à l’affect qui en était dépourvu… » « Cela dit assez
combien l’affect s’origine dans l’entendu, et non pas dans un quelconque
éprouvé. » Compris dans cette perspective, le transitivisme
n’est pas un mimétisme mais une division : la mère se distingue de
ce qu’elle éprouve pour pouvoir le dire à l’enfant, lequel est contraint
de se diviser à son tour pour souffrir ce qu’il n’a pas éprouvé. Division
affectant, dans le même temps, le monde puisqu’en disant « ça fait
mal » on distingue ce qui est dangereux de ce qui ne l’est pas, et
qu’en disant « c’est bon » on différencie ce qui est mauvais. Cette approche, simplifiée par le raccourci que j’effectue, m’a paru très utile pour une meilleure saisie d’un certain nombre de problématiques psychopathologiques, notamment psychotiques et déficitaires. A quoi constate-t-on en effet que s’identifie la parole psychotique, sinon à la lettre du discours d’un autre, sans l’affect ? De quoi est très souvent amputé, et précocement, l’enfant déficient mental, sinon (partiellement au moins) d’un savoir que son handicap (constaté ou pronostiqué) empêche l’adulte de lui attribuer ? Nous est il possible de nouer avec l’infans dialogue ( c’est-à-dire discours à deux, discours entre deux, discours séparant et re-liant les deux ), de nouer avec lui affect et langage, si nous ne parvenons pas à le supposer compétent et désirant ? Le travail thérapeutique ne consistera-t-il pas en définitive à essayer d’effectuer ce nouage tout en introduisant du jeu dans ce qui est devenu, ou est resté, confusion des places ? ___________
Le
passage adolescent C'est avec les concepts lacaniens que l'auteur aborde la question de l'adolescence, cette dernière pouvant être définie comme le moment logique d'une opération de validation ( ou d'invalidation ) de ce qui s'est effectué pendant la phase oedipienne, à savoir la première opération " Nom-du-Père " qui a dû limiter et orienter le désir de la Mère primordiale. Devenu par la puberté semblable aux parents, l'adolescent constate que ceux-ci ne sont pas fondateurs mais transmetteurs, ce qui les disqualifie d'incarner imaginairement l'Autre, c'est-à-dire l'ordre symbolique et la Loi. Reconnu comme mortel, le père n'est plus à l'origine. L'Autre est donc en panne de consistance imaginaire. Il y a une
panne du Surmoi, dit J.J.Rassial, durant ce temps de passage d'un surmoi
d'origine parentale (répressif mais aussi prometteur d'une jouissance
ultérieure plus grande) à un surmoi collectif (discours
du maître, fondateur du lien social).
Outre le développement de ces aspects théoriques, le lecteur trouvera dans cet ouvrage des remarques sur le verlan des beurs, sur " le psychopathe comme figure contemporaine ", sur les parents de l'adolescents, sur " le livre et les idéaux de l'adolescent ", sur l'état amoureux… Ajoutons que Jean-Jacques Rassial a ultérieurement dirigé l'ouvrage " Sortir : l'opération adolescente " ( Ed. Erès, 2000 ) dans la collection psychanalytique " Le Bachelier " consacrée à l'adolescence. __________
L'adolescent et ses rites de passage
( Desclée de Brouwer, 1998) L'auteur,
psychosociologue, critique l'usage qui est souvent fait des expressions
"rites de passage" et "initiation" à propos
de l'adolescence. Passant en
revue les usages contemporain de ces expressions en ce qui concerne la
sexualité, le sport, les sectes, les bandes, le bizutage, etc…
il s'attarde sur la toxicomanie, relevant que certaines substances, comme
l'alcool dans nos sociétés occidentales, sont enracinées
dans la culture et participent ou ont participé à de nombreux
rites sociaux : l'alcool pour ceux de Dionysos, le haschich chez les Assyriens
au 8ème siècle av.JC, le peyotl chez les indiens Huichols
du Mexique… _________
Les
pathologies de l'identification ( Dunod. 1997 )
J.C. Stoloff rappelle les distinctions faites par Piéra Aulagnier entre:
Il rappelle
par ailleurs la distinction freudienne entre d'une part les pulsions
sexuelles sur lesquelles s'appuient le principe de plaisir et la satisfaction
auto-érotique, et d'autre part les pulsions d'auto-conservation
sur lesquelles s'appuient le principe de réalité et l'orientation
du psychisme vers l'objet. Sur ces bases Stoloff établit la différenciation entre identification primaire et identifications secondaires.
Le processus identificatoire est quant à lui << un mouvement continu du sujet se déroulant la vie durant >>, consistant en une succession d'identifications et de désidentifications. Il appartient, selon l'auteur, au registre de la sublimation, le "Soi" puis le "je" ayant en permanence à gérer l'opposition entre principe de plaisir et principe de réalité. Quelles sont, en conséquence, les pathlogies de l'identification ?
<< Identifier et s'identifier, dit en conclusion J.C.Stoloff, sont pour le sujet humain...une résultante de son accès au symbole >> et << toutes les identifications ne sont pas pareillement aliénantes >>. Ce que la psychanalyse peut permettre, c'est << une fluidité des identifications, une mutation du processus identificatoire.>> _________
D'Oedipe à Frankenstein. Figures du handicap (Ed. Desclée de Brouwer. 2001)
Des
mythes d'Oedipe et du Minotaure à celui de Frankenstein, en passant
par le Richard III de Shakespeare, les oeuvres de Toulouse-Lautrec, de
Joë Bousquet, des écrivains japonais Kenzaburô Oé
et Mishima, S.Korff-Sausse analyse ce qui, dans le handicap, effraie et
induit le rejet. _________ Psychanalyse et Neurosciences ( PUF, 1995 ) Pour avoir eu, infans, les pieds liés
au moment de son abandon, il porta le nom d’ Œdipe, c’est-à-dire « pied
enflé ». Lâché du haut des cieux par Zeus, le dieu forgeron Héphaïstos
en devint boiteux. Achille quant à lui était faible du talon… Autre temps, autre lieu : le thème
de la boiterie se retrouve chez les Bororo d’Amérique. Articulé à la boiterie un autre signifiant
majeur de l’inconscient parcourt les mythologies : la Tache. Depuis
les agneaux tachetés de la Genèse jusqu’au jaguar des Bororo – en passant
par la verrue qui obséda « l’homme au loup » de Freud et l’amena
à reprendre une analyse avec madame Brunswick – il est universellement
question de morceaux de peau qui font signe. Conscient du côté périlleux de l’entreprise,
l’auteur s’interroge sur les bases neurologiques de l’inconscient et se
propose de jeter quelques ponts entre l’élaboration psychanalytique, notamment
lacanienne, et ce que les neurosciences ont apporté. Concernant la boiterie et l’association
pied-phallus, il tente de rapprocher la notion de « phallus imaginaire »
de celle du « membre fantôme » ( illusion qu’ont souvent
les amputés de posséder encore le membre qui leur a été enlevé
). De plus, il constate la contiguïté pied-pénis au niveau de l’homoncule
sensitif ( cartographie sur le cortex cérébral de la projection des récepteurs
sensoriels ). Pour ce qui est des relations entre taches cutanées, œil, castration et métabolisme sexuel, il suggère, à la suite du biochimiste bulgare Ganev, le rôle central d’une part de la mélanine (pigment absorbant la lumière) et de ses transformations, d’autre part de l’axe reliant l’épiphyse aux structures pigmentaires du tronc cérébral, plus particulièrement le « locus coeruleus » dont une partie est responsable de l’atonie posturale pendant le sommeil paradoxal. Ce « locus coeruleus », toujours atteint dans la maladie de Parkinson, ne serait-il pas aussi impliqué (mal informé, par exemple) dans la névrose obsessionnelle ? Dans les deux cas se produit un arrêt, un blocage. Quand l’obsessionnel passe son temps à nettoyer, raturer, gommer, annuler, n’est-il pas aux prises avec la Tache originaire ? Ne pourrait-on pas dire, au pied de la lettre et à même la peau, qu’il ne peut se dé-tacher ? « En cour de gestation, dit Friedler,
un seul organe maternel se noircit, s’obscurcit et se pigmente :
l’aréole », ce cercle qui entoure le mamelon du sein. Pour le nourrisson,
aux premiers temps de l’existence, « la mère n’était alors qu’un
trait. Elle se signalait d’être une marque ». « Au moment de
se détacher, de se dénouer de la mère, le surgissement de certaines traces
pourrait contenir comme un écho du Réel .» « L’homme aux loups »,
obsédé par le fantôme de la verrue maternelle, courra les dermatologues. Riche de références, théoriquement osé,
ce livre présente d’étonnants rapprochements. ___________
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